Affaire Gonzalez Hincapie : féminicide à Beauvais - la défense face à une tragédie
- Pierre Lebriquir

- 10 sept.
- 3 min de lecture
L’affaire Gonzalez Hincapie, survenue à Beauvais, a bouleversé la communauté locale et a attiré une attention médiatique importante, notamment en raison de sa gravité et de l'émotion suscitée par le dossier.
Fredy Gonzalez, l’accusé, a été condamné à 18 ans de prison pour ce meurtre, un verdict qui soulève des questions sur la nature du crime, la responsabilité de l’auteur, et surtout la stratégie de défense adoptée par notre cabinet, en défense de l'accusé.
Cette affaire, marquée par des circonstances particulièrement tragiques, invite à réfléchir sur la manière dont le droit pénal aborde les féminicides et les mécanismes de défense dans des affaires aussi sensibles.
1. Les faits : un féminicide à Beauvais
Dans cette affaire, notre client était accusé d'avoir tué son épouse, une femme de 31 ans, dans des circonstances particulièrement violentes. Le corps de la victime a été retrouvé dans leur domicile, et l’autopsie a confirmé les violences extrêmes infligées à la victime, une multitude de coups de couteau ayant conduit à son décès.
Les circonstances de l’acte ont révélé un homme en proie à des violences internes, mais également à des dynamiques de domination et de contrôle sur la victime.
2. Comment défendre?
Au centre de la stratégie de défense de Fredy Gonzalez, Me Pierre Lebriquir a développé une argumentation analysant le comportement de l’accusé à travers un prisme psychologique. L’avocat a mis en avant l’idée que Gonzalez s’était construit une « vérité » pour se protéger de l’horreur de ses actes.
« Depuis trois ans, plus je discute avec lui, plus j'ai l'impression qu'il s'est construit sa vérité », a relaté Pierre Lebriquir. Les différentes expertises du dossier dessinaient le portrait d'un homme qui se crée un univers parallèle pour se protéger de la culpabilité, de l’horreur et de la réalité de son crime.
Me Pierre Lebriquir laissait entendre dans sa plaidoirie, et tout au long des débats, que son client a agi sous l’emprise d’une dynamique émotionnelle complexe et peut-être même partiellement irrationnelle.
3. Le verdit : 18 ans de réclusion criminelle
Quatre jours d'audience. Des débats lourds et conflictuels.
L'avocat général avait requis 30 ans de réclusion criminelle.
Me Pierre Lebriquir avait commencé sa plaidoirie ainsi:
"Vous voici désormais au pied de la montage. Dans quelques instants, vous quitterez la salle d’audience, pour vous retrouver entre vous, afin de réaliser l’une des plus belles et des terrifiantes choses : juger un homme accusé d’avoir commis un meurtre aggravé.
C’est terrifiant, car la peine encourue est la peine maximale, à savoir la réclusion criminelle à perpétuité. Vous avez aujourd’hui un pouvoir qui donne le vertige, un pouvoir effrayant.
C’est en ce sens que Kant estimait que la possession du pouvoir corrompt la raison.
Mais c’est aussi magnifique, car juger, c’est se départir de soi-même. Bien juger, c’est lutter contre ses propres a priori. Bien juger, c’est s’efforcer d’être impartial.
C’est refuser ce que la société nous propose trop souvent, à savoir une logique binaire. En rhétorique, on parle de dichotomisation.
Et justement, juger c’est refuser cette tentation de simplification. C’est voir l’intégralité du dossier, dans sa complexité.
C’est voir qu’il faut vous poser une série de questions, pas une, pas deux, mais beaucoup plus. C’est voir que derrière le simple « coupable / non coupable » il y a de très nombreuses facettes.
De tels principes ont été consacrés notamment par l’article 353 du code de procédure pénale.
Cet article vous demande de vous recueillir en vous même.
Il indique que la loi ne vous fait qu'une seule question : « avez-vous une intime conviction ? »
Mais il ne s'agit pas de vous prononcer selon votre coeur. Au contraire.
L'article 353 vous demande de chercher « quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense »
La loi vous demande donc de vous baser sur des preuves et des moyens, c'est-à-dire des arguments."
La cour a finalement rendu un verdict condamnant Fredy Gonzalez à 18 ans de réclusion pour le meurtre de sa compagne.
Ce verdict, bien que sévère, n’a pas été une peine maximale, ce qui témoigne de la prise en compte des arguments présentés par la défense.

Commentaires