La défense dans les infractions commises par des militaires
- Pierre Lebriquir

- 2 sept.
- 3 min de lecture
La 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris est une chambre spécialisée dans le jugement des infractions commises par des militaires, qu'il s'agisse des règles prévues par le code de la défense ou des règles de droit pénal commun. Les militaires, en raison de leur statut particulier, bénéficient d'un cadre juridique qui diffère de celui des civils. Ils sont soumis à des règles strictes en matière de comportement, d'éthique et de respect des lois en vigueur. Lorsque ces derniers sont accusés d'infractions, la stratégie de défense doit être adaptée aux spécificités de leur situation, notamment en raison de leur statut de serviteur de l'État, de leurs obligations particulières et de la nature même des infractions.
1. Le cadre juridique
Les militaires bénéficient d’un statut particulier qui les place sous l’autorité de la hiérarchie militaire et sous l'application d'un droit pénal spécifique. Ce double statut peut complexifier la défense d’un militaire, car celle-ci doit s’articuler autour de plusieurs axes : la défense des principes militaires et le respect des obligations de la hiérarchie, tout en tenant compte des prescriptions du droit commun.
Lorsqu'un militaire est jugé à la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, il s'agit généralement de fautes commises en dehors du cadre strictement militaire, mais qui relèvent cependant des prérogatives des autorités, comme des infractions à la déontologie, des comportements inappropriés lors de missions ou des manquements graves aux règles de discipline.
2. La stratégie de défense
La stratégie de défense d’un militaire accusé d’une infraction peut se baser sur plusieurs axes classiques qui sont fréquemment utilisés par les avocats spécialisés dans le domaine militaire.
a) La contestation de l'infraction
La première ligne de défense consiste à contester les faits eux-mêmes. L'avocat peut chercher à démontrer qu’il n’y a pas d’infraction, que la preuve manque ou que l’intention n’était pas présente. Pour cela, il s’appuiera sur une analyse minutieuse des preuves à charge et cherchera à affaiblir leur crédibilité. L'élément moral de l'infraction, en particulier l'intention criminelle, peut être un terrain stratégique. Dans certains cas, la défense peut invoquer l’absence de volonté délictueuse, notamment lorsque l’infraction est le résultat d'une erreur de jugement ou d'une situation de stress intense dans un contexte militaire.
b) L'absence de responsabilité en raison d'un ordre
Le militaire étant soumis à une hiérarchie stricte, une défense fondée sur l’obéissance à un ordre peut parfois être pertinente. En effet, l'article 122-4 du code pénal français dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit par l'autorité légitime ». Cependant, cette défense est limitée par les conditions de la légalité des ordres reçus : un militaire ne peut pas se défendre en invoquant un ordre illégal ou manifestement immoral. Une défense fondée sur l’argument de l’obéissance à un ordre sera d’autant plus convaincante si l’ordre en question était conforme à la mission confiée, et si la personne accusée a agi dans le cadre de ses prérogatives professionnelles.
c) Le contexte, le stress ou la légitime défense
Certaines infractions commises par des militaires peuvent avoir eu lieu dans un contexte où des décisions doivent être prises sous une pression extrême. La défense peut mettre en avant l'élément de stress, de légitime défense, ou de nécessité. Par exemple, dans des cas de violence, l’avocat peut invoquer que l’acte de défense était une réaction proportionnée à une menace immédiate.
d) Le caractère exceptionnel des faits
Une autre stratégie de défense peut consister à souligner que l’infraction n’est pas le reflet du comportement habituel du militaire, mais qu’elle résulte d’un événement isolé. L'avocat pourra également présenter les actions réparatrices entreprises par le prévenu. Cela peut avoir pour effet d’atténuer la peine.
3. La spécificité de la défense devant la 10e chambre correctionnelle du tribunal Judiciaire de Paris
La 10e chambre correctionnelle joue un rôle essentiel dans le traitement des affaires pénales impliquant des militaires. Ce tribunal se distingue par la composition de ses juges, spécialisés, et sa connaissance des problématiques spécifiques aux forces armées. Le militaire sera jugé par des magistrats formés à ces particularités et la défense devra en tenir compte.
La question de la peine est également un enjeu majeur. Dans le cadre militaire, la condamnation à une peine d’emprisonnement peut avoir des conséquences particulièrement graves, sur la carrière professionnelle et l’intégration du militaire dans la société civile. Il est donc primordial d'argumenter sur la proportionnalité de la peine par rapport à l’infraction et de chercher des alternatives à l’incarcération, comme des peines de substitution ou des peines aménagées.

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